C'est le 22 juin 1580, que Michel Eyquem de MONTAIGNE quitta son château pour aller présenter à Henri III la première édition des Essais, avant de se rendre au siège de La Fère à la demande du roi qui rameutait ses gentilhommes pour reprendre la ville aux Huguenots.

Il rencontra le roi en juillet au château de Saint-Maur où, avec Catherine de Médicis, il avait pour habitude de passer quelques semaines en été.

Il quitta La Fère, sans attendre la fin du siège, afin d'escorter jusqu'à Soissons la dépouille de son ami Philibert de Gramont ( époux de la " Belle Corisande " ) qui avait été mortellement blessé le 2 août par une canonnade qui lui arracha un bras.

De Soissons il se rendit à Beaumont-sur-Oise, en passant par Villers-Cotterêts, Crépy-en-Valoois, Senlis et Chantilly.

C'est de là que, le 5 septembre, il partit pour un long voyage en Italie via la Suisse et l'Allemagne :



Officiellement, il entreprend ce voyage pour une cure dans les stations thermales les plus réputées d'Europe, afin de tenter de soigner la « gravelle » dont il souffre depuis plusieurs années.

S'y ajoute, sans doute, d'autres motivations :

- Il est probable qu'il voulait également se changer les idées, car il était las de ses dix années de retraite dans son château pour y écrire " Les Essais ". Dans le chapitre IX du livre III des Essais, il nous fait part de son goût très modéré pour le gouvernement de sa maison et de son incapacité à accepter d'une âme égale les ennuis domestiques. Lorsqu'on lui demande pourquoi il voyage, il a cette réponse lucide :

" Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages : que je sais bien ce que je fuis, et non pas ce que je cherche "

- On peut aussi imaginer que, compte tenu du grand nombre de personnalités importantes qu'il a rencontré lors de son voyage, il avait été investi par le roi de France d'une mission diplomatique cachée ?
Malheureusement rien ne le prouve.

- L'on sait aussi qu'il voulait obtenir l'approbation du Saint-Siège pour son oeuvre et que pour cela il voulait en remettre personnellement un exemplaire à Grégoire XIII.

Mais revenons à son voyage :

Montaigne était accompagné de son jeune frère Bertrand Charles de Mattecoulon, de Charles de Madaillan d'Estissac, du sieur de Cazalis, du sieur du Hautoy, d'un secrétaire, d'un muletier et deux laquais, ce qui faisait une troupe de pas moins de 9 personnes.

Ce voyage se fit tantôt par des voitures de louage mais le plus souvent à cheval au goût de Montaigne qui nous dit " qu'il n'était jamais mieux que le cul sur la selle "

Après un an de pérégrinations, le 7 septembre 1581, alors qu'il se trouve aux bains de Lucques, il reçoit une lettre lui apprenant son élection en qualité de maire de Bordeaux : « Dans la même matinée, on m'apporta, par la voie de Rome, des lettres de M. de Tausin, écrites de Bordeaux le 2 août, par lesquelles il m'apprenait que, le jour précédent, j'avais été élu d'un consentement unanime maire de Bordeaux, et m'invitait à accepter cet emploi pour l'amour de ma patrie ».

Peu pressé d'entrer en ses nouvelles fonctions, le 12 septembre il s'en retourne tranquillement à Rome où, à son arrivée le 1er octobre, il trouve une missive de rappel : « Le jour où j'arrivais à Rome, on me remit des lettres des Jurats de Bordeaux, qui m'écrivaient fort poliment au sujet de l'élection qu'ils avaient faite de moi pour maire de leur ville, et me priaient avec instance de me rendre auprès d'eux »

Ce n'est que le 15 octobre, qu'il décide enfin de rentrer à Montaigne en passant par Lyon (qu'il quitte le 15 novembre), La Bourdelière, l'Hôpital-sous-Rochefort, Thiers (arrivée le 17 et départ le 18), Clermont-Ferrand, Limoges et Périgueux pour arriver chez lui le 30 novembre (soit 15 jours pour faire environ 550 kms !).

Son journal de voyage se termine ainsi :

« Le Jeudi jour de Saint-André, dernier Novambre, coucher à MONTAIGNE d'où j'étois partis le 22 de Juin 1580 pour aller à la Fere. Par-einsin avoit duré mon voyage 17 mois 8 jours »

Pour mieux connaître Montaigne :