Ce que je vous donne à voir ici, durant ce mois de février, est le résultat de mon travail de ces 3 dernières années . C’est un travail qui tourne essentiellement autour du papier, même si on pourrait le qualifier de « peinture/couture ».

D’abord le papier Wenzhou que j’ai découvert lors d’un stage de peinture traditionnelle chinoise à Orléat, avec le peintre Yu Zhu.

C’est un papier fabriqué à l’origine dans la ville de ChengZhou, à base de fibre de feuilles de mûrier ; il ne fait que 30g/m2, il est blanc, très fin, translucide, souple, très absorbant, et étonnamment solide lorsque sec. ( Vous en trouverez des morceaux près de mon livre d’or.) Car, mouillé , c’est une autre histoire : il devient mou et très fragile, se déchire intempestivement, et là réside toute la difficulté de sa manipulation.

Ce papier que j’achète en rouleau, je le peins ( avec des encres aquarelle, des encres acrylique, de l’encre de Chine, des pigments… ), j’en fais un stock dans lequel je pioche pour créer mes tableaux.

Ensuite, il y a des pages de livres en VN, que ma grand-mère lisait, et dont j’ai retrouvé deux cartons pleins dans le garage de la maison de mon enfance. J’ai toujours une pensée pour elle lorsque j’arrache une page…..

Vous trouverez aussi du papier journal chinois, que j’utilise car le graphisme des caractères me touche particulièrement ; je ne pourrais dire pourquoi…. Peut-être parce que un de mes arrière-grand-pères était chinois… ? Divers papiers, dont certains manuscrits qui viennent de voyages au VN, du papier journal non imprimé, du papier calque pour sa transparence….

Et maintenant, pourquoi la couture…. ? C’est là que l’on réalise que, la direction que prend la création peut être vraiment influencée par un évènement inattendu, le hasard, les circonstances, un accident dans le travail, une rencontre, le regard neuf d’amis …. Tous ceux qui me connaissent, savent que j’ai l’habitude de mettre beaucoup de collages dans mes peintures. Or, je me trouvais devant la quasi impossibilité de coller ce papier Wenzhou, trop mou, trop distendu, trop fragile lorsqu’imbibé de colle… et avec la couleur qui fusait …..

A L’Atelier, Maurice à qui je faisais part de mes difficultés, puis Pierre qui voyait bien mes problèmes, m’ont tous les deux, à des moments différents, suggéré de coudre mes papiers….

Or, cette année-là, ou l’année précédente, j’avais vu au musée de Lodève, une exposition d’œuvres de Michel Danton avec, entre autres, des tableaux réalisés avec des petits bouts de papier cousus entre aux avec un point zig zag à la machine. Cela m’avait interpelée, sans pour autant que je pense une seule seconde adopter cette technique.

Mais l’idée suggérée a fait son chemin dans ma tête… Je ferai donc du collage, sans colle… ! Je n’aime que la couture à la main… Qu’à cela ne tienne, je coudrai donc tout à la main ! Dès que j’ai commencé, j’ai adoré ! Cela a été une révélation ! Vous voyez donc ici depuis mes premiers essais, les « hommage piquant aux grands maîtres », couture de papier Wenzhou sur papier Wenzhou, sur papier Wenzhou… parfois jusqu’à 6 couches de papier… et l’expérimentation a continué avec divers papiers, sur papier, sur tissus, sur châssis toilé, des essais de relief….. jusqu’aux derniers, les « last Wenzhou ». Ici, pas de couture, mais du collage… avec de la colle ! car ces tableaux contiennent très peu de papier Wenzhou, mais surtout du papier journal non imprimé, cadeau de l’association « expression manuelle » ( merci encore à elles ). Ce papier journal a pris les empreintes des encres et des coups de pinceaux appliqués sur mon papier Wenzhou, qui était posé dessus….

Il y a aussi ce glissement du figuratif vers le non-figuratif…. Il s’est fait insensiblement…. petit à petit…. sans doute au fur et à mesure des manipulations, à force de jouer avec les formes et les couleurs, la représentation devenait secondaire, sans aucune importance, voire inappropriée….

Voilà…. 3 années d’expérimentations…. Bien sûr, il y a la dimension sensible, celle de la personne qui peint et manipule ces papiers….

Et là, je voudrais citer Maître Huang, calligraphe chinois qui a initié Fabienne Verdier lors de ses 10 années apprentissage de la calligraphie en Chine.

Il lui a dit ( entre autres réflexions qui me nourrissent également, et que j’ai trouvé retranscrites dans le livre de Fabienne Verdier « Passagère du silence » ) :

« Le tracé sur le papier est l’empreinte de ton cœur, et il y transparaît pour qui sait le lire, ta personnalité morale…. Plus qu’un paysage, tu suggères ton esprit et sa qualité, tes dispositions intérieures. Le critère en art n’est pas le beau, notion subjective qui varie suivant les lieux et les époques, mais la sincérité, l’authenticité. »

J’espère que vous aurez quelque plaisir et intérêt à regarder mon travail. Peut-être m’y trouverez-vous …

Bonne soirée à tous.

NDLR

Gros plans sur les coutures :